Chelson Ermoza est donné au théâtre comme au sacrifice d’un dieu

Chelson Ermoza est donné au théâtre comme au sacrifice d’un dieu

Chelson Ermoza est comédien de profession. Il est aussi conteur et poète. Depuis bientôt deux décennies, cet homme qui est né le 2 novembre 1982 à Port-au-Prince, jour de la fête des morts, est donné au théâtre comme on est donné, dans certaines mythologies, au sacrifice d’un dieu.

Il est sans conteste l’un des comédiens les plus actifs de la scène théâtrale haïtienne.

 

1999 : entre poésie et amitiés

Tout a commencé par la poésie vers la fin de l’année 1999 à l’église Assemblée Chrétienne par la foi à Martissant 17.Cette époque représente pour Chelson Ermoza un temps originel où son sang vibrait au rythme de milles et une chose.

« Il y avait pour ma part, en ce temps là, tant de belles choses qui constituaient les valeurs de l’époque. C’était le temps merveilleux des acrostiches, où les rendez-vous des week-ends étaient partagés de club littéraire en club littéraire. Les 3 heures des après-midis du dimanche des églises étaient des rendez-vous culturels où l’on croisait des talents de toutes sortes. C’était aussi le temps où l’on offrait des arlequins aux filles en se servant parfois du titre, d’une belle phrase ou d’un extrait du texte comme prétexte pour avouer ses sentiments. Le temps des jeux de correspondance et tant d’autres initiatives ayant rapport aux choses de l’esprit qui se déroulaient dans les avenues de Bolosse, les quartiers de Martissant, de Fontamara, de Carrefour et Carrefour-Feuilles, pour ne citer que ceux là » a-t-il relaté pour d’entrée de jeu.

Il a croisé la route de la poésie un dimanche. Evidemment, c’est ce qui s’appelle le dimanche de la vie, où les choses les plus géniales nous arrivent à un moment où l’on ne s’y attendait le moins : « J’avais 17 ans quand j’ai quitté Cité Soleil où j’ai vécu presque toute mon enfance pour rejoindre ma mère à 5eme avenue Bolosse. Un dimanche matin, sur l’invitation d’un ami, je suis allé à église Assemblée Chrétienne par la Foi où j’allais rencontrer des jeunes qui m’avaient invité à participer dans un club littéraire dénommé ACCES. C’est à partir de cette invitation qu’une voie m’était tout de suite tracée m’emmenant vers la poésie », a t-il révélé dans son l’éloge de ce temps marqué, entre autres, par un désir brûlant de faire une place convenable au soleil.

Après sa découverte de la poésie, était-il immédiatement ami avec des personnages de papier en quête de comédiens ?  Non ! Il était diseur amateur, à ses débuts : « Entre curiosité et insatisfaction de soi, je pars en quête d’autres aventures, et mes pas ont été bénis par la rencontre de Bonel Auguste, Rolando Etienne, Billy Midi et Scheinder Laurent à la Bibliothèque Etoile Filante a Fontamara. Je rends grâce à ma rencontre, à Carrefour-Feuille, dans les années 2000, des compagnons comme Johny Zéphirin , Nelio Joseph et Billy Elucien avec qui je fonde également Foudizè Théâtre » a-t-il confié, énumérant au passage des formations en Art dramatique qu’il a suivies avec Ducarmel Joseph au Collège de l’Étoile avec la troupe Coscène et d’autres, avec Daniel Marcelin, au Petit conservatoire où il était étudiant, avec Ricardo Lefèvre et Ralph Civil au Théâtre National d’Haïti. Il a eu l’occasion de suivre des ateliers avec des metteurs en scène étrangers tels que Jean René Lemoine, Eva Doumbia et Jacques Livchine ainsi qu’Hervée De Lafond du Théâtre de l’unité, pour les spectacles de rue en 2011, ce qui va occasionner la création de la structure Bit-Haïti.

 

2008 : théâtre et autres plaisirs

Mais, qu’est-ce que le théâtre représente dans la vie d’Ermoza? Une chose énorme. «  Le théâtre occupe une grande partie dans ma vie, la majorité de mes activités tournent autour de la scène. Mes plus grandes et plus belles expériences ainsi que mes réalisations sont l’œuvre de mes rapports avec la scène. En dehors de ma vie professionnelle, le théâtre m’a aussi permis de mieux comprendre mon quotidien, les gens qui m’entourent, d’être à l’écoute de l’autre et d’habiter l’existence. Le théâtre participe grandement dans ma construction en tant qu’individu social et fait de moi une voix, une présence représentative dans la société où j’évolue. Il me permet d’affirmer ce que je suis, ma vision du monde ainsi que ma position du point de vue idéologique ».

Alors, c’était donc quoi le  grand cataclysme ?  « L’événement déclencheur a été la représentation de Senjan à la Fokal. Senjan est un conte en créole écrit par Félix Morisseau Leroy. La mise en scène à été faite par Billy Elucien, dans le cadre du Festival Liv ak Lang kreyòl organisé par le Petit Lectorat en 2008 » a-t-il expliqué. Il n’a pas cessé de dire qu’il a eu la chance ou bien l’heureux privilège de travailler sur des créations avec des metteurs en scène formidables.

Heureuses mises en scène !

 

« Pour les mises en scène qui m’ont beaucoup marqué, je peux citer : La fuite, pièce de Gao Xingjan, Anatòl de Félix Morisseau Leroy et Temps mort de Michel-Philippe Lerebours créés par Billy Elucien au festival quatre chemins et au festival de théâtre et des arts de la scène En Lisant.Les propositions d’Eliezer Guerismé dans Kafou Twakwa de Faubert Bolivar et dans Tabataba de Bernard-Marie Koltès avec la Bit-Haïti au festival 4 chemins m’ont retenu l’attention pendant longtemps » a affirmé Chelson, ne cachant une seconde son attachement à « Bourètlanmou » et Dîner en blanc, mises en scène collective avec Bit-Haïti.

« Je me souviendrai toujours de cette belle expérience autour du corps, de l’esprit et du symbolisme avec France Medeley Guillou avec Zuwena un texte de Darline Gilles. Et pour le moment, la liste vient tout juste d’augmenter avec Kalibofobo de Franketienne. Pour le succès auprès du public, je ne pense pas que c’est quelque chose que je puisse vraiment certifier ou quantifier ; mais je crois que les spectacles avec Billy Elucien et Bourèt Lanmou ont eu plus de succès auprès du grand public » a-t-il dévoilé, sans mentionner les textes qu’il a lui-même mis en scène.

Et si par humilité Chelson Ermoza parle rarement de lui comme metteur en scène, mais le grand public le sait. Il a énormément mis d’autres comédiens en scène comme si jouer, pour lui, ne suffisait pas et qu’il fallait, à un moment donné de l’histoire, traverser de l’autre côté du miroir.

C’est cela l’histoire de beaucoup de comédiens du monde entier : ils finissent presque tous dramaturges ou metteurs en scène.  C’est logique. Apres avoir lu toutes les pièces du monde, monté, analysé, critiqué, on finit par rentrer dans le secret de cet art et désire ses concours, sa circonférence. Bref, à force de lire et de mettre en scène, on se croit capable de faire mieux que beaucoup d’auteurs dont on a représenté les pièces.  Ou bien, on finit  par écrire le chuchotement des personnages des pièces qu’on a mises en scène et tant t’autres personnages intérieurs et ceux de la quotidienneté.  Dans l’émergence de ce nouveau défit chez les comédiens, celui d’auteurs ou de metteurs en scène, transparait un désir d’embrasser le théâtre dans sa totalité.

 

 

Le théâtre : le beau, le sublime.

 

« À part le théâtre, il y a le conte et la poésie qui me passionnent beaucoup. Et comme conteur, je reçois souvent des invitations dans des activités ou des festivals tant en Haïti qu’à l’étranger. Je dirige le premier festival de conte du pays, Kont Anba Tonèl, dont je suis également l’un des initiateurs. J’ai une notoriété et une carrière de conteur qui n’a rien n’à envier à mon parcours de comédien. Pour la poésie, Tras pye lorizon est le titre de mon premier recueil de poèmes qui sortira cette année pour marquer une nouvelle ère dans ma carrière artistique », a annoncé Chelson. Il envisage vachement de publier ses poèmes et ses contes pour entamer sa carrière d’écrivain. Et pour cet homme accueillant, qui appelle ses amis zo papa, le théâtre est un art de grande générosité : « faire du Théâtre, c’est être capable de faire don de soi aux autres, c’est être capable de se partager corps et âme avec tant d’autres vies ».

La scène, pour lui, qu’est-ce que c’est ? « C’est pas du tout facile à expliquer, parce que quand on est sur scène, on est à la foi soi-même et l’autre en même temps. Ce qui fait qu’il est vraiment difficile pour un acteur d’être totalement conscient de son état d’âme lorsqu’il est en train de jouer. Mais je dirais que l’émotion qui traverse un comédien ou une comédienne au moment de l’acte théâtral est à la fois une symbiose entre l’enchantement et le doute, c’est un moment où la transe et la conscience s’entremêlent pour donner place à l’autre avec l’objectif de s’effacer le plus possible afin d’être vrai, d’être crédible ».

Chelson Ermoza n’est pas un donneur de leçon, mais pour celles et ceux qui aiment le théâtre, il les conseille de prendre des formations adéquates et de voir l’art théâtral dans sa grandiosité : « En premier lieu, je leur dirai avant tout que leur amour pour le théâtre est louable. Mais qu’ils tachent de ne pas oublier que le théâtre est un métier, ce qui explique que cela s’apprend. Ensuite, je leur dirai que la finesse, la dextérité qui crée la clarté du jeu d’acteur jusqu’à faire du théâtre quelque chose de beau, de sublime ne résident que dans l’alliage de la passion et la patience, creuser au milieu des jours et des nuits de travail. Ce n’est pas du tout de la chance ni un cadeau de la providence » a tranché ce monstre sacré qui croit beaucoup dans la transmission et la générosité, en soi, de l’acte théâtral.

Carl-Henry Pierre

 

CHELSON ERMOZA : VUE DE SON PARCOURS DE COMEDIEN

-2008.Senjan, conte de Félix Morisseau Leroy, mise en scène de Billy Elucien avec Foudizè Théâtre, Festival Liv ak Lang kreyòldu Petit Lectorat

– 2012.La fuite, Texte de Gao Xingjan, mise scène de Billy Elucien avec Foudizè Théâtre

– Le cercueil, mise en scène de Jacques Livchine et Hervée De Lafond avec BIT-Haïti

– 2013. Zangi Giyona ak Prensès Adelina, Conte de Chelson Ermoza, festival Pwatiban la size, Guadeloupe.

– 2013.Kafou twakwa, Texte de Faubert Bolivard, mise en scène d’Eliezer Guerisméavec la Bit-Haïti,Festival 4 chemins

– 2017. Temps mort, texte de Michel-Philippe Lerebours, mise en scène de Billy Elucien avec Foudizè Théâtre,  Festival En Lisant

– 2017.Bourètlanmou, création Bit-Haïti, Festival KontAnbaTonèl

-2017.Anatòl texte de Félix Morisseau Leroy, mise en scène de Billy Elucien avec Foudizè Théâtre, festival 4 Chemins

– 2017. La mariée, spectacle de rue avec BIT-Haïti d’après une création du Théâtre de L’unité dans Carifesta

– 2018. Tabataba, de Bernard Marie Coltès, mise en scène d’Eliezer Guérisméavec la Bit-Haïti, Festival 4 Chemins

– 2018. La fille et ses quatre prétendants, Conte d’origine inconnu que ChelsonErmoza a raconté à la 25ème édition du Festival du conte de Vassivière Parole de Conteurs, France

-2019. Kalibofobo, texte de Franketienne, mise scène de Jacques Adler Jean Pierre au Festival 4 Chemins.

– 2020. Reconstruction (s) de Guy Régis Junior, mise en scène d’Eliezer Guérisme au Festival En Lisant.

TOURNEE A L’ETRANGER

  • 2012 Festival de théâtre Aurillac et Ramonville à Toulouse en France avec la BIT HAITI
  • 2013 Festival de théâtre des Accroche Cœurs à Angers en France avec la BIT HAITI
  • 2013 Les Jeux de la Francophonie à Nice en France
  • 2014 Festival Contes et Musique dans la cite à la Martinique
  • 2014 et 2015 Pwan ti-ban la Size à Guadeloupe
  • 2014 Festival de théâtre Cap Excellence en Guadeloupe avec la BIT HAITI
  • 2015 Festival de théâtre Les Libertés de Séjour à Calais et Résidence artistique au Théâtre du Jour en partenariat avec le Théâtre Au bout des doigts
  • 2015 Festival de conte Les Palabrages en France
  • 2018 Résidence de création la Maison Alphonse Daudet en France

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