Je m’engage aujourd’hui dans un exercice que, je crois, vous attendiez tous : porter le regard sur dix années d’« En lisant », retracer le chemin parcouru, les joies, les absences, les traces laissées.
J’ai commencé ce texte un premier novembre, Jour des Morts. Et tout de suite, les visages de ceux qui ont traversé l’aventure d’« En lisant » avant de nous quitter se sont imposés. Ceux qui ont donné sans compter, qui se sont brûlés à la tâche, qui ont porté le festival sur leurs épaules, et qui pourtant ne sont plus là pour voir s’accomplir cette décennie.
Le premier nom qui surgit, c’est celui de Farid Sauvignon. Farid était au cœur du festival, un pilier discret mais indispensable. Il a occupé presque tous les postes : accessoiriste, régisseur de plateau, comédien… Farid avait fini par devenir le visage d’« En lisant ». Aucune édition ne se concevait sans lui, sans sa présence, sans son énergie qui tenait la barque. Je me souviens de 2017. Farid était très malade. Nous avons tout fait pour qu’il monte sur scène, ne serait-ce qu’une fois. Mais son corps refusait. Sa volonté n’a pourtant jamais flanché.
J’ai commencé ce texte un premier novembre, Jour des Morts. Et tout de suite, les visages de ceux qui ont traversé l’aventure d’« En lisant » avant de nous quitter se sont imposés. Ceux qui ont donné sans compter, qui se sont brûlés à la tâche, qui ont porté le festival sur leurs épaules, et qui pourtant ne sont plus là pour voir s’accomplir cette décennie.
Le premier nom qui surgit, c’est celui de Farid Sauvignon. Farid était au cœur du festival, un pilier discret mais indispensable. Il a occupé presque tous les postes : accessoiriste, régisseur de plateau, comédien… Farid avait fini par devenir le visage d’« En lisant ». Aucune édition ne se concevait sans lui, sans sa présence, sans son énergie qui tenait la barque. Je me souviens de 2017. Farid était très malade. Nous avons tout fait pour qu’il monte sur scène, ne serait-ce qu’une fois. Mais son corps refusait. Sa volonté n’a pourtant jamais flanché.
Et puis il y a Stivenson Leonardo Michel. Stivenson, lui, avait rejoint l’équipe du festival ; il était devenu mon bras droit, celui qui était là pour toutes mes créations, dans la débâcle, dans les enthousiasmes. On se disputait parfois, mais il avait une douceur immense. Il m’accompagne encore, en pensée. Assassiné lâchement.
Ce festival est à toi, Piyan.
Je ne vous dirai pas quelle édition fut ma préférée. Chacune avait son grain de folie, sa saveur douce-amère, ses plaisirs clandestins, son rythme propre, ses déceptions aussi, ses cœurs brisés – oui, les miens parfois. Le retour de flamme laisse une brûlure vive, une blessure. Le festival, lui, reste tourné vers tous les artistes. Quel que soit leur sexe, leur génération, leur parcours. Les auteurs d’abord, les comédiens ensuite, et autour d’eux, offrir un podium, une lumière.
La place des femmes a d’ailleurs toujours été essentielle, avec la présence de plusieurs invitées d’honneur du sexe féminin, parmi lesquelles Andrise Pierre et Gaëlle Bien-aimé. De manière plus large, « En lisant » demeure un espace ouvert pour promouvoir les comédiennes, metteuses en scène et créatrices de tout âge.
De la recherche de fonds à la lecture des pièces, du choix des projets à celui des thèmes, « En lisant » a toujours été une aventure ardente.
Dix éditions, dix empreintes. Trouver les moyens n’a jamais été simple ; pourtant, tant d’institutions ont cru en nous, ont maintenu leur confiance même dans les heures obscures. Je les remercierai, car sans elles, rien de tout cela n’aurait tenu.
Avec James Pubien, choisir le thème du festival est un rituel, un duel parfois. Nous cherchons toujours la justesse : la thématique doit raconter Haïti, oui, mais aussi résonner avec le monde, avec ses fractures, ses mutations. Puis vient la quête des textes, de l’auteur ou de l’autrice capable de porter cette parole ; ou, lorsque cette voix unique n’existe pas, rassembler un chœur d’écrivains pour l’incarner.
Aujourd’hui, s’il existe une génération de jeunes dramaturges qui osent écrire pour le théâtre, je pense humblement qu’« En lisant » a ouvert une brèche. Parce qu’ils disposent de cet espace où leur travail peut prendre vie. L’une de nos missions essentielles était de mettre en lumière l’écriture théâtrale contemporaine. Les crises du pays nous ont empêchés jusqu’à aujourd’hui de croiser les dramaturgies francophones de la Caraïbe, des Amériques et d’Europe, mais la volonté demeure.
Et après les auteurs, viennent les mises en scène. Elles doivent être neuves, vibrantes, ancrées dans notre temps. Même lorsque les moyens manquent, il faut sentir la pulsation moderne : dans la scénographie, la lumière, le son, l’image. Il n’y a pas toujours de salle, alors nous bâtissons un théâtre là où il n’y en a pas, pour que notre public puisse encore rêver.
C’est peut-être le moment de saluer tous les metteurs et toutes les metteures en scène qui nous ont accompagnés, malgré les tempêtes.
Ce festival, nous l’avons créé parce que nous avons la prétention, oui, la prétention, de changer le monde. Changer le monde à travers le théâtre et les arts. Drôle d’ambition, diront certains. Mais c’est notre utopie, notre part d’humanité : cette conviction têtue que le théâtre peut contribuer à façonner un espace où les êtres vivent autrement, vivent pleinement.
En lisant n’est pas seulement une rencontre d’artistes, mais une rencontre de mondes. Tous les mondes.
Montréal,
1 novembre 2025
Eliézer Guérismé
CP: Yves Osner Dorvil


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