Quelles sinistres coïncidences ont fait mourir Frankétienne l’année de la commémoration du bicentenaire de la dette de l’indépendance ?
Cette disparition, ne serait-ce pas un télescopage brutal entre le Mapou abattu et le rappel amer de cette rançon qui a hypothéqué l’avenir d’une nation dès le berceau ? Lui, le simidò du “Chaos-monde”, s’éclipse au moment précis où l’Histoire nous force à regarder en face la racine chiffrée de notre effondrement.
Pour cette 10e édition d’En Lisant, le “Moi” de cet éditorial se dissout forcément dans un “Nous” douloureux, mais debout. Car, en dénonçant la zombification des fossoyeurs de l’abîme, Frankétienne n’a jamais cessé de décortiquer la folie née de cette dette originelle, cette “Mère des misères” qui a transformé notre épopée de 1804 en une liberté surveillée, une liberté affamée. Il a su, mieux que quiconque, mettre en spirale nos ventres creux et nos têtes pleines de bruits et de fureurs.
Il est parti sans avoir vu la fin du remboursement moral de cette iniquité, mais il nous laisse les outils pour ne jamais cesser de la contester.
Alors, comment lire aujourd’hui sans sa voix vivante pour rythmer notre délire ? Cette édition ne sera pas un simple hommage. Elle sera un Dezafi renouvelé. Honorer Frankétienne en 2025, année du bicentenaire de l’infamie, c’est refuser que la honte soit notre seule définition. C’est empoigner son œuvre comme une arme miraculeuse pour trancher, enfin, les derniers liens de cette servitude économique et mentale.
Certes, le Mapou est tombé dans la graisse obscure des commémorations douteuses, mais ses racines ont déjà lézardé le béton de nos renoncements. À nous, maintenant, de vous proposer une programmation à hauteur de sa légende. À vous de la découvrir. Vous et nous avons le devoir de perpétuer sa mémoire. Plus forte que jamais.
James Pubien
5 novembre 2025
Port-au-Prince
CP: En Lisant


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