Je ne sais pas comment la fin peut-elle justifier les moyens? Et à quoi ça sert de justifier quoi que ce soit à la fin du parcours, à moins que cette justification ne s’apparente à de la triche ! Là, je me prends en exemple : quand je lis et que la lecture m’ennuie parce que la trame ne me tient plus en haleine, je triche, comme tout le monde, et je vais à la fin du livre. Après, je reste un peu hagard, car je ne sais pas si la fin justifie un tel acte… Je ne sais pas ce que la fin peut justifier. Je reste hagard, je reste moi-même, et je reste lecteur-tricheur, tricheur-lecteur. Je ne sais plus… Mais, au moins, je connais la fin sans avoir suivi de fil en aiguille la trame du roman. Désolé, je suis comme ça…
Mais, dans une salle de spectacle, cette astuce ne fonctionne plus : soit on reste éveillé du début à la fin, soit on participe pleinement, soit on s’endort pour se réveiller plus tard. Mais là encore, les curieux verront votre manège déloyal… Dans une salle, tu es à nu. Dans ce lieu, le spectacle est intransigeant : il ne négocie pas. C’est comme avec les nationalistes : tu l’aimes ou tu le quittes. Eux, c’est leur terre — ou du moins ce qu’ils croient. Le spectacle, lui, c’est son territoire… Bref, tu n’as pas le choix : tu l’aimes ou tu le quittes. Bon, on peut toujours faire semblant, mais ça, c’est une autre histoire…
Revenons au générique de cette année… Et si c’était la fin ! Oui, une fin qui n’en est pas une en soi, car elle ne fait qu’annoncer le renouveau de l’expérience ! Attention spoiler : En Lisant va survivre à cette fin…
À chaque édition d’En Lisant, j’écris des éditoriaux, parce que je sais que l’aventure ne va pas s’arrêter, peu importe le générique, peu importe la thématique. Mais si, un jour, j’avais vraiment l’impression, ne serait-ce qu’un soupçon, que c’était la fin, je vous jure qu’au fond de moi, cette fin ne saurait être triste : elle serait la mise en scène d’un renouveau, la théâtralisation de toutes les espérances possibles.
Parce que la fin en soi est le héraut des lendemains menteurs ou meilleurs, mais moi, je mise sur le second : tant qu’il y aura un peu d’humanité en nous, on peut aspirer au progrès de l’être ! Voilà pourquoi je vous invite, cher.e.s spectateur.trice.s, à vivre en compagnie d’En Lisant cette finitude qui, dans sa complexité, fera luire les filigranes dorés des jours heureux !
Cette neuvième édition, par sa conception, se révèle singulière, car à un moment donné, elle invite le public à pactiser avec celles et ceux qui croient que l’art peut changer l’ordre des choses… Les distances abolies : et si c’était la fin des rêveries solitaires ?
James Pubien
Port-au-Prince, le 19 octobre 2024
Crédit photo: Guérinault Louis
Add Comment