Clorette Jacinthe : une comédienne hors norme

Clorette Jacinthe : une comédienne hors norme

Clorette Jacinthe est comédienne, depuis bientôt deux décennies.  Son parcours est on ne peut plus impressionnant. Également publiciste et actrice de cinéma, cette comédienne hors norme est passée de sa passion pour la musique à celle du théâtre. Ce qui en quelque sorte laisse entendre la dimension musicale du théâtre, cet art total qui englobe la musique, la danse, le chant et tant d’autres formes artistiques.

Comme beaucoup d’artistes haïtiens, chanteurs ou musiciens, Clorette a commencé à pratiquer le théâtre à l’église, toute petite, en participant à des sketchs, mais ce n’est qu’en 2004 qu’elle a commencé à travailler avec la compagnie NIFE, dirigé par Jean Marc Voltaire. « Je l’ai rencontré à la Bibliothèque ARAKA. Là-bas, il y avait un club littéraire qui se réunissait tous les dimanches.  De ma rencontre avec cet homme, je vais sérieusement monter sur scène et c’est ainsi que « Nwit moun fou » de Gary Victor, à El Dorado, allait être mon tout premier spectacle »

Et El Dorado aujourd’hui, sûrement, n’existe plus, mais Jacinthe continue à voyager dans les eaux du théâtre et prend de plus en plus de territoire dans ce champ artistique, où son corps et sa voix sont des grains à moudre qui font fonctionner cette machine. Mais, cette femme qui habite si bien la scène a-t-elle eu des formations assez pointues en Art dramatique ? Pas forcément. « Je n’ai pas fait d’école d’art. J’ai été formée sur le tas, par les différentes compagnies avec lesquelles que j’ai eu la chance de travailler : NIFE, Etiquette, Foudizè, Haïti spectacle, Théâtre de l’unité. J’ai également suivi un séminaire sur l’improvisation avec Daniel Marcelin qui dirigeait le Petit conservatoire », a mentionné calmement Clorette, ajoutant au passage qu’elle a, cependant, fait des études en Comptabilité (André Laroche, 2003), en Technique de banque et de vente (EFCTEC, 2005) et en Sciences Juridiques (EDSEG- 2011-2015).

Bien évidemment, chaque passion a un fil conducteur et est souvent conditionnée par tant d’éléments intérieurs qu’extérieurs. Pour Clorette, cela a été une rencontre et une mise en scène   d’un texte créole de Gary Victor : « Je peux dire que Nwit moun fou a été l’évènement déclencheur, puisque c’est ce spectacle qui m’avait permis de rencontrer Patrick Joseph, l’un des fondateurs de Etiquette et de part cette compagnie j’ai pu intégrer le monde de la publicité et du cinéma avec Muska Group ».

Théâtre : vers la publicité (2008)  et le cinéma (2010)

 

2008 est l’année à laquelle Clorette Jacinthe va intégrer le monde de la publicité, mais c’est en 2010, nous a-t-elle confié, qu’elle va vraiment s’exceller dans ce domaine.  Elle est présente dans un nombre important de publicités pour des produits et des compagnies comme : Hollandia, Criollito, Digicel et Chevrolet spark (pour 2 ans), Voilà Haïti, Dinepa, Caméo, Saridon, Matelec, Canal sat, Comme il faut, AIC, BUH, Recho amelyore, Lampe Awengo, Tampico, Boloto et tant d’autres.

En 2010, elle intègre l’univers cinématographique. Elle a joué dans « Kafou », « Malatchong », dans le feuilleton télévisé « Filomiz », diffusé par la TNH et dans des feuilletons radiophoniques comme « Konntenè premye sekou protection civile », « UE », « Zoukoutap saison 2 et 3 », des feuilletons de village santé, des courts métrages et tant d’autres.

 

Scènes qui font tache !

 

S’il est vrai qu’une comédienne doit pouvoir prêter son corps à n’importe quel personnage et ne développe pas forcément d’affects particuliers pour leurs histoires, mais divers éléments contextuels peuvent expliquer pourquoi elle aime beaucoup plus un spectacle bien précis par rapport à un autre. C’est ce que Jacinthe nous fait comprendre en se référant à certaines mises en scènes qui l’ont marquée dans sa carrière : « Les bonnes de Jean Genet compte énormément pour moi parce qu’à l’époque où je devais me produire sur scène, j’étais très malade, et jouer ce spectacle a été pour moi un très grand défi. Aussi, à quelques jours du spectacle Erzuli Dahomey déesse de l’amour de Jean-René Lemoine, j’ai perdu un proche, et je devais surmonter tout cela et jouer. Et puis, Récit de femmes, le seul monologue que j’ai eu à jouer de toute ma carrière, demeure gravé dans mon corps ».

Et si une salle de spectacle, même en demandant aux gens d’éteindre leurs portables et de rester en silence, n’est  pas toujours un fleuve tranquille, alors après tout spectacle, le public a son mot à dire sur le contenu et la manière dont les thèmes sont traités et interprétés par le comédien. Parfois, tout se joue dans la rue et il faut aux comédiens un effort pour surplomber les bruits du dehors. Ce qui fait que le théâtre – s’il faut prendre en compte toutes les scènes de théâtre de rue auxquelles Jacinthe a pris part- n’est pas la bureaucratie.  Et on se demande si elle se rappelle certains moments où son public était en transe au moment d’une mise en scène ou déçu après une représentation et exprime ses désaccords par des commentaires désobligeants. Pour elle, bienheureusement, il n’y a  jamais eu aucune déception clairement exprimée dans les yeux de son public.

« Je ne sais pas trop, je ne vais pas dire que tout était toujours au top, mais j’ai pas eu de mauvais souvenirs. J’ai seulement en mémoire des remarques par rapport au choix des personnages comme par exemple: Dans Reconstruction(s) de Guy Régis Junior, ils ont dit qu’ils auraient préféré me voir dans le rôle de la 1ère dame, juste des petites remarques comme cela » a-t-elle nuancé.

Au commencement était la musique

 

Est-ce-que Clorette Jacinthe a une autre grande passion en dehors du théâtre ? « Oui, la musique. Il faut dire bien avant le Théâtre, j’avais fait mon début dans la musique, je voulais être violoniste ou pianiste. Mais, une fois à l’école de musique, les responsables m’ont dit qu’ils n’y avaient pas de violon disponible, que je vais devoir débuter avec la clarinette, ce que j’avais fait d’ailleurs, j’ai passé une année, et  après avoir eu la chance de jouer mon tout premier concert de Noël, faute de moyens, j’ai du arrêter » a-t-elle regretté.

On l’aura compris certainement : si Clorette avait arrêté la musique, faute de moyens, mais continue à faire du théâtre, c’est parce que le corps et la voix de la comédienne sont ses principales ressources et celles-ci ne sont ni vendables ni achetables dans n’importe quel marché du monde.

Et c’est en somme un privilège de  pouvoir pratiquer un métier avec une ressource non-cernable : son corps et sa voix.

 

… et la musique était donc la scène

Chaque comédien.ne, metteur.e en scène ou dramaturge a une définition du théâtre. Certains l’associent même à un acte politique.  Mais pour Clorette Jacinthe, c’est donc quoi cette chose-là? « Pour moi, le théâtre est la représentation de la vie sur scène où le comédien prête son corps à un personnage. Je me laisse transcender par cette folie, sur scène je suis comme une personne en transe. Pour moi, se dégagent toujours beaucoup d’énergie pour parvenir à rendre le personnage que j’interprète ».

Clorette  Jacinthe nous a confié son amour immodéré pour la musique : quand tout se met à flotter dans le pays et qu’elle ne peut pas monter sur scène, elle se consacre à l’apprentissage de la musique, une passion qui ne la laisse jamais. Pour elle, être comédienne, c’est un très beau métier, mais  elle reste perplexe à la réalité haïtienne où ce si beau métier ne nourrit pas toujours son maitre comme il faut. C’est pourquoi, face aux nouveaux passionnés du théâtre, celles et ceux qui veulent en faire leur métier, Clorette, née le 16 octobre 1982, à Port-au-Prince, croit que l’amour des passionnés pour le théâtre ne suffirait pas et qu’il leur faudrait plus que ça dans la vie. Lorsqu’elle s’exprime ainsi, on veut croire qu’elle sous-entend plus formations, plus de relations humaines et plus de ressources émotionnelles surtout quand on pratique cet art en Haïti, un pays tout aussi merveilleux qu’énigmatique.

Carl-Henry Pierre

CLORETTE JACINTHE : PARCOURS ARTISTIQUE

  • Nwit moun fou de Gary Victor, mise en scène de Jean Marc Voltaire avec NIFE
  • Oracle du mal d’aurore de Robert Baudry, mise en scene Jean Marc Voltaire avec Nife
  • Campagne de sensibilisation « kapòt panyè, kapòt fanm », mise en scene Jean Marc Voltaire avec Nife
  • Le concert, montage de texte par Jean Marc Voltaire avec Nife
  • Le tournant, mise en scène par Patrick Joseph et Guito Thélusman avec Etiquette.
  • Le cercueil, mise en scène de Jacques Livchine et Hervée De Lafond avec BIT-Haïti
  • Kafou Twakwa, Texte de Faubert Bolivar, mise en scène d’Eliezer Guerismé avec la Bit-Haïti, Festival 4 chemins
  • Avoir 20 ans de et par Michèle Lemoine
  • 2014 et 2015, Festival Destination Aquin, Haïti
  • La mariée, spectacle de rue avec BIT-Haïti d’après une création du Théâtre de L’unité au Festival Carifesta
  • Bourètlanmou, création Bit-Haïti, Festival Kont Anba Tonèl
  • Anatòl de Félix Morisseau Leroy, mise en scène de Billy Elucien avec Foudizè Théâtre, festival 4 Chemins
  • 2017 Le père de Guy Régis Junior, mise en scène de Marc Vallès, Festival 4 Chemins
  • 2018 Diner en blanc, Bit-Haïti, Festival 4 Chemins
  • Les bonnes de Jean Genet, mise en scene Eliézer Guérismé, Festival en Lisant
  • Tabataba, de Bernard Marie Coltès, mise en scène d’Eliezer Guérismé avec la Bit-Haïti, Festival 4 Chemins
  • “Erzulie Dahomey, déesse de l’amour de Jean-René Lemoine, mise en scène d’Eliezer Guérismé, festival Quatre chemins
  • Récit de femmes de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène d’Eliezer Guérismé
  • Reconstruction (s) de Guy Regis Junior, mise en scène d’Eliezer Guerisme au Festival En Lisant.
  • Perdre pieds, Cravate et charentaises de Valerie Cachard, Lecture spectacle dirigee par Clorette Jacinthe, Festival 4 Chemins

 

TOURNEE A L’ETRANGER

  • 2012 Festival de théâtre Aurillac et Ramonville à Toulouse en France avec la BIT HAITI
  • 2013 Festival de théâtre des Accroche Cœurs à Angers en France avec la BIT HAITI
  • 2014 Festival de théâtre Cap Excellence en Guadeloupe avec la BIT HAITI
  • 2015 Festival de théâtre Les Libertés de Séjour à Calais et Résidence artistique au Théâtre du Jour en partenariat avec le Théâtre Au bout des doigts
  • L’Acte Inconnu de Valère Novarina, mise en scène Valère Novarina et Céline Schaeffer, Coordination artistique de Guy Régis Junior, Francophonies en Limousin de Limoges.

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