Staloff Tropfort : Petit récit d’un parcours inattendu.

Staloff Tropfort : Petit récit d’un parcours inattendu.

Staloff Tropfort est aujourd’hui l’un de nos plus rayonnants jeunes comédiens. Ce n’est pourtant que par hasard qu’il est arrivé au théâtre. Bien sûr qu’il n’y est pas resté par hasard. Petit à petit, il y découvre un métier passionnant et auquel il a décidé de consacrer toute son énergie. Ce parcours atypique débute au sein même de son quartier dont il faisait parti du comité culturel. C’étaient des jeunes leaders dynamiques qui voulaient proposer aux adolescents.es du quartier des activités à la hauteur de leur énergie. Le sport, particulièrement le football, était déjà bien établi dans leur habitude. Staloff lui même fils d’un footballeur professionnel, Serge Tropfort du Victory club.  Alors que le comité réfléchissait à la meilleure formule pour élargir les possibilités de loisirs du quartier, la troupe Comédie Sans Frontières (COSAFH) croisa leur chemin.

 À cette époque, 2008, COSAFH se déployait dans les écoles et proposait une formation en théâtre, danse, chant et art plastique afin de constituer de petites cellules d’artistes en herbe qu’elle appelait : Petites délégations scolaires (PDS). Staloff intègrera tout de suite l’une des PDS de la COSAFH où il a eu une première initiation au théâtre. Mais, ce début demeurait une amitié hésitante et timide. En septembre 2009 le jeune homme assiste à la représentation de la pièce Le bleu de l’île d’Evelyne Trouillot mise en scène par Rolando Etienne et son regard a changé. C’est à ce moment précis qu’il allait distinguer un brin d’intérêt pour ce métier. C’était à l’occasion de la sixième édition du festival de théâtre Quatre chemins, une édition particulièrement riche en jeunes talents. On se souvient encore aujourd’hui des remarquables performances de D’Meza Schultz Pierre-Louis, de Billy Midi, de Jovaski Réjouis, de Louisna Laurent etc.  Depuis, Staloff ne rate plus aucun événement théâtral.

Son rêve d’entrer à la faculté des sciences humaines restait jusque là intouchable. Toutefois, il multipliait ses participations aux ateliers de formation d’acteur qui ne manquaient pas à l’époque. Il en a suivi avec Rolando Etienne à Dram’art, avec Paula Clermont Péan au centre culturel Pyepoudre et Mylène Wagram de la Guadeloupe. En 2010, son bac en poche, il tente en vain d’entrer à la faculté de son rêve. Après un court moment de vacillement, Staloff se soumet à une proposition de son ami Woodly Caymitte dit Filipo. Ils jettent ensemble leur dévolu sur l’École nationale des arts, ENARTS où Staloff s’oriente vers les arts dramatiques et son ami vers les arts plastiques dans lesquels il rayonne aussi ces dernières années. L’idée, pour le comédien indécis, était juste de trouver de quoi occuper son temps en attendant le prochain concours d’entrée à la Faculté des sciences humaines. L’arrivée de Guy Junior Régis à la tête du département théâtre de l’ENARTS allait définitivement le persuader à embrasser ses études avec de plus grande ambition. Ce dernier aura agréablement bouleversé l’enseignement du théâtre à l’ENARTS. Staloff découvrira avec lui, toute la diversité de la discipline. Un théâtre plus vivant, plus proche des questions contemporaines. Ainsi boucle-t-il, avec plaisir et passion, ses études et entame avec brio une carrière professionnelle.

Sa formation ne s’arrête pas à son diplôme. Entre 2014 et 2015, il participe à la formation en Ethno drame du Conservatoire Royal de Liège en Belgique, sous la direction de Pietro Varasso. Cette expérience marquera profondément les travaux de Staloff. Il s’inscrit dans le sillage de Franck Fouché, de Jerzy Grotowski et entame une série de recherche au cœur de nos traditions vodou, de nos Lakou. Il s’agit d’explorer tout le potentiel théâtral du vodou haïtien. Sortir les rituels du lieu du sacré et les restituer sur scène, avec toute leur profondeur, en évitant toute caricature. Il en résulte une nouvelle exploitation non seulement de la scénographie qui en sort enrichie des couleurs et objets sacrés mais aussi du corps du comédien visiblement habité de nos énergies populaires : nos rythmes, nos chants et nos rituels. Sa dernière création, Nan Govi: Cathédrale des cochons qui est une adaptation à l’ethno drame de la pièce  de Jean D’Amérique, en est une belle démonstration.

Pour mener à bien et s’assurer de la pérennisation de ses recherches sur l’Ethno-drame, il fonde avec Miracson Saint-Val et Sachernca Anacasis l’association ADRECE avec laquelle, il arpente les lieux sacrés du vodou afin d’extirper tout ce qu’ils peuvent offrir au théâtre.

En comédien, comme en metteur en scène, Staloff Tropfort séduit son public dans plus d’une vingtaine de pièces. Il a prêté son corps à des personnages qui nous habiteront encore longtemps. Quant à lui, il reste hanté, avoue-t-il, par la pièce Face à la mère de Jean René Lemoine qu’il a jouée dans le cadre de la 3ième édition du festival de théâtre En lisant, en présence de l’auteur, en 2018.

Jean Billy Mondesir

Ecrivain et Redacteur du Journal d’En Lisant

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