Editorial

À l’ami disparu / un non- hommage

Qui confie sa parole au silence par peur de s’exprimer à propos de l’inacceptable est appelé, un jour ou l’autre, à dénoncer sa propre lâcheté. Mais, pour cela, il lui faudrait un prétexte rédempteur servant d’incantation à son expiation. Pour moi, ce prétexte est la septième édition du festival de théâtre En Lisant… Sous la thématique : Théâtre, contestation et violences, cette nouvelle édition se déroulera du 12 au 18 décembre 2022, à Port-au-Prince. La septième d’En Lisant a pour invitée d’honneur_ celle qui me ramène la présence de l’ami disparu_Andrise Pierre.

Ramener la présence de l’ami disparu. Pour cela, dois-je remercier En Lisant de m’avoir donné cette tribune pour dire à l’ami même absent que, en décembre 2015, je n’avais pas les mots… En décembre 2022, je me perds à trop vouloir chercher les mots qu’il fallait prononcer 7 ans de cela…

Dois-je remercier la sœur de l’absent, Andrise Pierre, d’avoir transcrit le deuil avec des mots humains dans son génial monologue, Vidé mon ventre du sang de mon fils…

Ou encore dois-je me remercier moi-même pour avoir côtoyé tant d’êtres météores à qui ils ne manquent surtout pas le corps de la mémoire …Oui, j’ai côtoyé des fulgurances qui ont fait de mon silence un haut lieu de mémoire !  Chapeaux à vous… Surtout à vous !

Dans l’embarras, ne sachant qui des 3 remercier, je dis merci à qui peut garder jalousement tel Cerbère la mémoire de nos chers disparus !

La septième édition du festival de théâtre En Lisant n’est pas qu’un simple prétexte rédempteur, alibi invalide ne pouvant participer à la défense de son concepteur. Non, cette nouvelle édition est l’occasion pour découvrir l’œuvre singulière d’une auteure de la nouvelle génération. Une nouvelle génération, dit-on, ne s’exprimant que par rages et violences afin de contester, dans l’Haïti d’aujourd’hui, la mise en scène macabre de l’incompréhension humaine.

James Pubien,

Port-au-Prince, le 14 novembre 2022